Le numéro s’ouvre sur quatre textes lus lors de la journée d’étude sur « la transmission », qui s’est tenue à l’occasion des célébrations du soixantième anniversaire de la revue au mois de novembre dernier. On lira d’abord le texte de l’invité d’honneur de la rencontre, Alexandre Prstojevic, essayiste français d’origine serbe, grand spécialiste de la littérature mémorielle et testimoniale, fortement préoccupé par l’héritage et la filiation, puis les contributions de trois auteurs de différentes générations : Jean-Pierre Vidal, professeur émérite et auteur reconnu, Guillaume Asselin, l’un des penseurs et des écrivains de la relève les plus en vue, et Vincent Filteau, jeune poète et essayiste particulièrement prometteur, dont nous avons publié des textes dans le premier des deux numéros anniversaire des Écrits.
On trouvera aussi, au cœur du numéro, les discours de réception de deux nouveaux membres de l’Académie des lettres du Québec, Monique Deland et Rober Racine, accompagnés des textes de présentation des auteurs qui ont proposé leur candidature, moi-même pour la première et Marie-Claire Blais pour le second. Un dernier groupe de textes rassemble, en fin de numéro, les contributions de cinq auteurs qui ont participé au dernier colloque de l’Académie sur « la traduction poétique », organisé par André Vanasse et introduit par Nicole Brossard : il fait suite à la publication dans la revue Exit (no 78, printemps 2015) d’un premier ensemble de réflexions provenant de cinq autres participants.
On trouvera également dans nos pages des textes de quatre poètes français parmi les plus importants des dernières années — Jean-Michel Maulpoix, Didier Coste, Gérard Cartier et Alain Andreucci — de même qu’une suite de brefs poèmes du poète et critique italien Daniele Pieroni, bien connu au Québec, auquel le numéro d’Exit déjà cité consacre aussi plusieurs pages dans des traductions des meilleurs poètes d’ici, comme Gilles Cyr, à qui nous devons la version française du « Petit bestiaire » que nous publions. Des contributions d’auteurs de renom ou en voie de reconnaissance, comme Louise Warren, Antoinette de Robien, Jonathan Lamy, Chantal Neveu, Frédéric Marcotte et Lisa Carducci, complètent notre sommaire, au côté d’œuvres de poètes débutants comme Nicholas Giguère et Martin Hervé, de nouvellistes de la relève comme Édith Cousineau et Pascale Lefebvre-Ouellet et de la jeune essayiste Catherine Lemieux. Notre numéro se clôt sur le premier texte — consacré à une œuvre récente de Paul Chanel Malenfant — d’une « chronique sur la poésie » que Monique Deland tiendra de manière régulière dans les prochaines livraisons des Écrits.
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Nous sommes particulièrement heureux d’accueillir dans nos pages les œuvres de la série Les Vautours de l’artiste bien connu au Québec et à l’étranger qu’est Rober Racine, dont nous publions par ailleurs le texte lu lors de son intronisation à l’Académie des lettres en novembre dernier. Récipiendaire de nombreux prix, dont le prix du Gouverneur général en arts visuels et médiatiques en 2015, le prix Paul-Émile Borduas en 2007, le Prix Ringuet en 2003, le prix Ozias-Leduc en 1999 et le prix Louis-Comtois en 1998, Rober Racine s’est illustré à la fois comme plasticien, écrivain, compositeur et musicien. La série que nous présentons est l’une des plus importantes qu’il ait produite au cours de sa carrière, non seulement par sa longévité (plus de six ans de travail, de 2001 à 2007) et par la quantité d’œuvres produites selon différentes techniques et dans divers médiums (peintures, dessins, gravures), mais aussi par la force expressive qu’elle représente, en relation avec son œuvre romanesque, notamment avec Les vautours de Barcelone, et la singularité à la fois plastique et iconographique qui la caractérise par rapport à ses œuvres conceptuelles ou minimalistes les plus connues, comme Le Parc de la langue française, Escalier Salammbô ou Le Terrain du Dictionnaire, qui ont fait sa célébrité il y a déjà une trentaine d’années. Le voisinage d’œuvres poétiques, narratives et réflexives, avec lesquelles des accointances thématiques et formelles apparaissent ici et là, confèrent à ces peintures et à ces dessins, qu’on a d’abord connus à l’occasion d’expositions solos, un environnement inédit qui permet de les voir autrement, en même temps qu’ils donnent aux textes dont ils rythment l’enchaînement de manière quasi musicale une dimension visuelle qui ne peut que les enrichir. Quelques œuvres tirées du Cycle lunaire ponctuent également l’ensemble, dont on peut dire qu’elles renouvellent l’iconographie propre au paysage comme Les Vautours régénèrent celle du bestiaire, nous plongeant dans un sentiment de « familière étrangeté » qui ne cesse de nous hanter : nous sommes « dans la lune », entourés d’« inquiétants volatiles », subissant à la fois une attraction extraterrestre irrésistible et une sorte d’appréhension face aux grands rapaces qui nous surveillent de haut, à moins qu’ils ne nous veillent secrètement…
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C’est avec regret que nous apprenons qu’André Bochu, poète, romancier et essayiste de renom, quitte le Comité de rédaction de la revue après de nombreuses années de collaboration des plus fructueuses. Ses conseils, ses avis et l’inspiration constante que nous avons tirée de ses propres œuvres, de sa pensée, de son jugement, de sa générosité empreinte d’amitié et de solidarité auront été d’un apport inestimable pour la revue et le Comité, qu’il a joint au moment où notre ami Naïm Kattan en assumait la direction. Au nom de toute l’équipe, je le remercie chaleureusement pour sa riche contribution à la vie éditoriale, littéraire et intellectuelle des Écrits. Nous lui souhaitons la meilleure des chances dans la réalisation des projets d’écriture auxquels il se consacrera désormais, unique consolation pour nous qui, à défaut de pouvoir le croiser à la revue, pourrons compter sur de futures publications pour garder le contact avec sa parole et sa pensée.
– Pierre Ouellet