John Montague est l’un des plus grands poètes irlandais de notre temps. Né à New York de parents qui ont quitté l’Irlande en 1916, où il est retourné à l’âge adulte, il a longtemps enseigné au University College de Dublin, y occupant la Ireland Chair of Poetry. Partageant aujourd’hui son temps entre Cork et Nice, après avoir vécu à Paris où il fréquenta Beckett, Esteban, Deguy, etc., il est à l’origine d’une œuvre majeure, dont nous sommes heureux de pouvoir publier plusieurs inédits, dans une belle traduction de Jean-Philippe Gagnon, de qui on pourra d’ailleurs lire des poèmes dans ce même numéro. Un autre grand poète, Michel van Schendel, disparu il y a maintenant dix ans, nous offre ici des extraits d’Un temps éventuel II, laissé inachevé; nous comptons en publier d’autres passages dans de futures livraisons. Patrick Quillier, poète et poéticien de renom, traducteur et spécialiste de Pessoa, complète cette trilogie d’auteurs de premier plan avec une suite épique extraite d’une œuvre en cours dont nous avons déjà publié une partie dans le précédent numéro.

Cinq nouveaux membres ont été élus à l’Académie des lettres du Québec en 2015 : nous faisons paraître des textes inédits de trois d’entre eux, Serge Patrice Thibodeau, Martine Audet et Paul Bélanger, alors que les contributions de Michel Marc Bouchard et de Rodney Saint-Éloi paraîtront dans notre prochain numéro. On trouvera aussi dans les pages qui suivent des essais inspirants de Denis Grozdanovitch, Marie-Andrée Lamontagne, Robert Hébert et de l’artiste Matthieu Brouillard, des récits captivants de Catherine Harton, Antoinette de Robien, Olivier Gamelin et Donald Alarie, ainsi que des poèmes de Luc C. Courchesne, Nelson Charest, Evelyne Gagnon et Albert G. Paquette, poète prématurément disparu en 1973, à l’âge de trente ans, dont nous publions de nouveaux inédits après ceux que nous avons fait paraître dans le no 140. Le sommaire se ferme sur la chronique de Monique Deland, qui porte cette fois sur une œuvre récente de Pierre Nepveu.

Le numéro comporte aussi un dossier substantiel sur « L’acte littéraire à l’ère de la posthistoire », dans lequel cinq écrivains et critiques réfléchissent sur la nature et les enjeux de la littérature en notre époque profondément marquée par l’idée ou le sentiment de la fin, y compris de la fin de l’art et de la poésie… Des auteurs de renom, Philippe Daros et Paul Chamberland, et de jeunes intellectuels, Étienne Beaulieu et Jean-François Bourgeault, donnent des points de vue complémentaires et parfois contrastés sur cette importante question. Je me réjouis d’avoir pu joindre ma voix à la leur. D’autres réflexions sur ce thème paraîtront dans notre prochain numéro, sous la plume d’auteurs aguerris comme Yannick Haenel, Fernand Ouellette, Jean-Pierre Vidal, Denis Grozdanovitch ou Benjamin Hoffmann, et de jeunes penseurs comme Guillaume Asselin et Filippo Palumbo, qui ont déjà beaucoup publié dans nos pages.

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Nos portfolios sont consacrés à deux artistes réputés : Carlos Rojas et Don Darby. L’œuvre de ce dernier a donné lieu, suite à une exposition rétrospective présentée par la Maison Hamel-Bruneau de Québec en 2015, à un dossier préparé par l’auteure, performeuse et critique Hélène Matte, qui a réuni une dizaine de poètes d’ici et d’ailleurs dont les œuvres ont été spécialement écrites en hommage à l’artiste. Né à Québec, professeur à l’École des arts visuels de l’Université Laval dans les années 1970, Don Darby est le créateur d’une œuvre considérable, largement diffusée au Canada et à l’étranger, dont on découvrira ici l’une des facettes les plus fascinantes, liée au thème de L’Homme et la matière.

Carlos Rojas est quant à lui d’origine mexicaine. Il a longtemps vécu à Montréal et travaille présentement à Calgary. Diplômé de l’Université autonome de Guadalajara et de l’Université Concordia, il a participé à de nombreuses expositions au Québec et à l’étranger. Son œuvre explore différents aspects de la sculpture et de l’installation, inspirés des cultures indigènes et populaires du Mexique et de l’ensemble des Amériques, et traite essentiellement du thème de la migrance et du mélange des mythes, des rites et des pratiques liés aux déplacements massifs des populations et à la nature diasporique des univers symboliques qui caractérisent notre histoire depuis déjà plusieurs décennies.

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La vie d’une équipe éditoriale est en constante mutation, à l’image de la société dans laquelle nous vivons. Une revue comme Les écrits ne peut rester fidèle à elle-même qu’en changeant, en suivant le mouvement de sa propre histoire. Ainsi l’un des membres les plus influents de notre comité de rédaction, Jacques Allard, critique et romancier, grand connaisseur de la littérature québécoise, qui fut une source d’inspiration constante pour les artisans de la revue pendant de nombreuses années, se consacrera désormais à son œuvre personnelle, tout en restant un des lecteurs les plus attentifs des Écrits, qui lui doivent beaucoup. Qu’il soit remercié ici pour tout ce qu’il a su apporter à la vie de la revue, par sa longue expérience du monde littéraire et ses grandes compétences de lecteur à la fois passionné et rigoureux.

Je quitterai moi-même la direction de la revue – une fois paru, en août prochain, le dernier numéro en préparation (le no 147) – après sept ans d’animation et de gestion qui auront été la source de beaucoup de plaisir et d’enthousiasme, liés à la découverte et au partage d’œuvres d’auteurs et d’artistes que je suis fier d’avoir pu présenter dans ces pages.

Je suis heureux de pouvoir laisser le destin de la revue entre de très bonnes mains, celles de Danielle Fournier, auteure et éditrice d’expérience pour laquelle j’ai beaucoup d’admiration. Son œuvre personnelle et son travail de directrice de collections, ajoutés à son rôle de vice-présidente de l’Académie des lettres du Québec et de codirectrice de la Rencontre internationale des écrivains, ainsi qu’à sa présence au comité de rédaction depuis maintenant trois ans, constituent un gage de succès pour l’équipe éditoriale qu’elle pilotera au cours des prochaines années. Je lui souhaite la bienvenue et la meilleure des chances dans ce travail à la fois exigeant et inspirant

– Pierre Ouellet