Ce texte de Marie-Claude Pendleton est tiré de notre numéro 155.
Incursions
L’intérêt que j’ai toujours eu pour la photographie ancienne m’a amenée à poursuivre mes recherches formelles en ce sens. J’investis plus particulièrement le mouvement pictorialiste du 19e siècle ainsi que le procédé photographique du daguerréotype. Dès lors, le tableau représente en quelque sorte une image disparue, sorte de vestige hors du temps.
Le développement de mon travail s’inscrit dans cette recherche. L’idée du paysage devient à la fois effacement et expérience vécue et cette idée du paysage évolue à travers et dans la mémoire où surgissent les empreintes et les traces de ce qui a disparu. Et, paradoxalement, mon travail témoigne d’un lieu de résistance et de résilience.
J’élabore des repères microscopiques des plaques du daguerréotype. Cet objet clos, fermé sur lui-même, se traduit par une surface peinte en monochrome et en demi-teintes, trames de multiples successions de couches transparentes et opaques. On y retrouve des sédiments de graphites, composés organiques ; fixés dans une matière soluble, peints puis soustraits ; je veux, par ce geste de dépouillement, suggérer à la fois la force et la fragilité.
Ce qui m’intéresse, c’est la sur-fréquentation et l’usure du milieu naturel. Mon regard se porte sur cette anthropisation, et cette incursion me permet des réflexions à la fois critiques et lyriques, une vision et la mise en abyme de ces conséquences. Toutefois, je désire mettre en évidence la beauté de ce territoire en mutation ainsi que dévoiler un sentiment suscité par l’événement plutôt que sa représentation. C’est l’évocation d’une altération morphologique, traces topographiques de la nature. Le tableau devient l’image et le répertoire de ces divers stigmates.
Je tiens donc à explorer l’esthétique de l’usure et la dégradation de la matière qui disparaît. C’est, pour moi, une révélation brutale de ce qui a été et qui n’existe plus, autrement dit, des surfaces de mémoires réanimées à travers des impressions fantomatiques.
Mes recherches formelles sont dirigées vers la représentation de la lumière, présente ou absente, ombre et clarté. Ces atmosphères floues épousent une multitude de points de vue et on y retrouve une succession de séquences stratifiées, imprégnées de tensions, de formes opaques, et d’éléments géométriques.
Ces paysages disparus rendent compte de la vision d’un espace imprécis à l’échelle chromatique d’une cartographie fragmentée.
— Marie-Claude Pendleton
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