LA MÉMOIRE, D’ARCHITECTURE ET DE LUMIÈRE

La mémoire est cet espace étonnant où sont enregistrées les multitudes d’images et de faits qui traversent notre existence et qui se reconstitueront en récit au moindre appel. Et si chacune et chacun plongent plus ou moins aisément en ce lieu, on sait que les artistes, écrivaines et écrivains, en usent comme d’un matériau puissant et inépuisable afin de saisir les multiples facettes de la marche du monde. C’est ce que font les auteur.e.s du présent numéro qui interrogent l’univers, l’être et ses questionnements en sondant l’intime lieu de la mémoire.La mémoire est cet espace étonnant où sont enregistrées les multitudes d’images et de faits qui traversent notre existence et qui se reconstitueront en récit au moindre appel. Et si chacune et chacun plongent plus ou moins aisément en ce lieu, on sait que les artistes, écrivaines et écrivains, en usent comme d’un matériau puissant et inépuisable afin de saisir les multiples facettes de la marche du monde. C’est ce que font les auteur.e.s du présent numéro qui interrogent l’univers, l’être et ses questionnements en sondant l’intime lieu de la mémoire.

Tout d’abord, la revue est très fière de proposer, en première partie de ce numéro, un dossier exceptionnel sur l’homme de théâtre Jacques Crête qui prête son nom au prix offert annuellement par la revue, depuis 2022, à un.e jeune dramaturge. Le dossier, mené avec intelligence et sensibilité par Gérald Gaudet, propose entretien, portrait et témoignages saluant de belle manière l’univers du dramaturge, sa passion et son regard sur le monde. On pourra également lire le texte du lauréat 2023 du prix Jacques-Crête, Raphaël Scali, présenté par Dany Boudreault. Entrer dans ce dossier, c’est aborder l’univers riche et exigeant d’un homme de théâtre tourné vers le sacré et la beauté des rituels.

C’est dans ses souvenirs de voyage que retourne notre écrivain en résidence, Michael Delisle, pour soulever la notion de classe sociale et celle de culture de la misère, encryptées profondément dans les générations qui nous précèdent. Mémoire culturelle et mémoire du corps évoquées dans un assemblage fin d’images et d’impressions. Mémoire de l’amitié aussi que salue Jean-Claude Brochu dans un bel hommage au poète Jacques Brault décédé à la fin de l’année dernière. La voix de Brochu s’entrelace à celle de Brault dans une intimité unique entre deux êtres de respect, d’amitié et de lettres. Mentionnons que Jacques Brault a collaboré à la revue Les écrits en 1969, 1970 et 1983 par la publication d’un essai et de deux téléthéâtres (1). Insistant sur le travail de la mémoire, comment ne pas penser à Proust? Raymond Paul, justement, dans notre rubrique «Inactualité» revisite le travail complexe de la mémoire qui traverse l’œuvre de Proust. La fine lecture de Raymond Paul nous fait observer autrement la fabrication et l’architecture des souvenirs chez l’écrivain.

Pour sa part, Jean-Marc Desgent plonge résolument dans la langue par cette fascinante désarticulation de la syntaxe qu’on lui connaît et qui dessine clairement la violence humaine, violence accompagnée d’un «arbre vent solaire» qui rythme le poème. Rythmés aussi par la nature où le corps est un jardin, les poèmes de Chloé Savoie-Bernard font coïncider la figure du roseau avec ce corps et quelques nécessités intérieures, des fleurs simples et l’aventure humaine. Christophe Condello de son côté évoque, par des images lumineuses, un nous enlacé à la nature et au territoire nordique en appelant à la reconstruction d’une mémoire à la fois organique, historique et immédiate.

Dans un beau récit, Carole David nous entraîne sur les traces de souvenirs personnels et douloureux qui ici s’entrelacent à des faits puisés dans l’histoire sociale et conviés à s’incarner dans le présent pour devenir un autre réel. Ce travail d’aller-retour est également visible dans les quatre portraits d’Édith Cousineau qui décrit des scènes immobiles en leur donnant un avant et un après, les faisant véritablement bouger et sortir de leur cadre photographique. Les fragments, dans le texte d’Anama Kotlarevsky, proposent aussi un aller-retour entre l’intime et le collectif puisqu’ils se construisent à partir d’hypothèses et de faits réels effaçant toute frontière entre le vrai et le faux, l’autre et soi.

Enfin, un essai visuel de Dominique T Skoltz accompagne les textes de cette livraison des Écrits en s’inscrivant dans ce mouvement de va-et-vient propre à la mémoire, aux vagues et aux pensées, mouvement organique et minéral mimant le rythme du cœur et celui des saisons. Nous sommes très heureux d’accueillir Chantal Pontbriand, essayiste, commissaire et muséologue, qui se joint en toute complicité à notre directrice artistique Louise Marois pour présenter cet essai visuel. Elle commentera à titre d’invitée spéciale l’ensemble des propositions de notre section portfolio dans le cours de cette année 2023.

En terminant, le comité de rédaction de la revue tient à remercier chaleureusement Régis Coursin pour son travail de coordonnateur éditorial. Nous saluons sa rigueur et sa présence attentive qui ont permis à la revue de poursuivre son travail pour le rayonnement de la littérature. Nous lui souhaitons une très belle aventure dans ses nouvelles responsabilités de coordonnateur d’une chaire de recherche à l’Université de Chicoutimi.

 

— France Mongeau, au nom du comité de rédaction composé de Dany Boudreault, Micheline Cambron, Régis Coursin, Gérald Gaudet et Marie-Ève Leclerc-Parker.

(1) Jacques Brault, «Dérives», Écrits du Canada français, n° 47, 1983, p. 147-155. Jacques Brault,