Lire l’autre
sinon lire quoi ?
quoi d’autre ?
— Martine Audet

Ce numéro en est un de fin d’année, d’une année qui aura échappé à nos catégories usuelles, enchaînée qu’elle est à la précédente dans un même mouvement de déchirure du temps, tendue vers une épiphanie attendue, celle de l’épidémie vaincue, du monde nouveau espéré…

Et pourtant on écrit, et pourtant on lit… la distanciation pandémique donnant à cet entre-lecture une urgence que l’on voudrait neuve.

Le Laboratoire de l’écrivaine et de l’écrivain, dirigé par France Mongeau sur le thème « Lire : l’autre ? », nous offre les textes issus d’ateliers inspirés par le travail de La Famille Plouffe, un lieu où des personnes se réalisent dans des gestes qui les mettent en contact direct avec la matière, grâce à la distance que crée l’expérience esthétique.

Notre nouvelle écrivaine en résidence, Laurance Ouellet Tremblay, nous livre le premier de trois textes, « Professeur », qui croise le parcours intime de la narratrice et les fonctions de transmission qui sont celles de tout enseignement.

Rassemblée par Ariane Brun del Re et Danielle Fournier, la Suite franco-ontarienne publiée en ce numéro semble moins exotique que plusieurs des précédentes. Mais elle permet de découvrir une littérature francophone autre, qui, forte de son histoire propre, s’appuie sur des institutions et se sent menacée par les changements qui bouleversent le système éducatif francophone ontarien.

Partout, toujours, l’autre condense la fois le proche et le lointain, lesquels s’entremêlent, comme la tarte aux reines-claudes et la confiture de mirabelle collent, dans « Cordélia à Mirabel », fait divers ancien et colère présente. Car les objets aussi se donnent à lire : « les broderies étalées [qui] cryptent l’histoire » ; « Une oreille et deux chaises », un cellulaire, un « verger sans repos », le squelette de Big Blue, un sous-marin rempli de bicarbonate de soude, un livre, des livres, encore des livres. N’est-ce pas à travers eux, souvent, que l’autre nous tire hors de nous-mêmes, « dans ce chemin de nos lectures » dont parle Étienne Maillé ?

Objet de médiation, de méditation, les images du portfolio d’Élise Provencher, présenté par Marie-Pier Bocquet, nous sont autant d’objets, de figures/figurines dont les formes humanoïdes tendent vers le grotesque, transformées par le geste de l’artiste, entre familiarité et étrangeté. 

— Micheline Cambron, au nom du comité de rédaction composé de
Dany Boudreault, Virginie Fournier, Gérald Gaudet, Gabrielle Huot-Foch
et Rachel Laroche.