Ce numéro 156 des Écrits nous rappelle que la vie est brève et que la mort rôde autour, qu’elle nous prend ceux et celles que nous aimons, qu’elle nous atteint dans notre corps, dans notre cœur. Mais l’écriture sous toutes ses formes, et entre autres la littérature, sans apporter la consolation, garde vivant ce cœur rayonnant.
Il y aussi et surtout la vie. La vie qui, liée à la littérature, permet aux univers de se partager, de s’entremêler, de se convoquer et de s’interpeler les uns les autres ; qui n’hésite pas ni ne craint de découvrir et de tisser des liens jusque-là inconnus. Les lieux géographiques se distendent et osent donner au langage un espace périlleux : celui de la traduction de ces univers multiples.
Téméraire, la revue s’engage encore une fois à l’impossible : accorder aux mots leur entière liberté, donner du sens à ce qui semble ne plus en avoir, renverser la tristesse et laisser place à la colère, à la joie, au bonheur de lire, d’être.
Nous n’avons pas peur d’aller plus loin, nous ne suivons pas de chemins, sauf ceux de traverses qui nous conduisent sur des sentiers où l’inattendu et l’inconnu surgissent. Nous leur laissons la place.
En fait, nous avons le vent dans les voiles. Et nous aimons vivre dangereusement au présent.
Bien sûr, nous portons en nous l’Histoire, la reconnaissons et parfois en sommes fières, d’autres fois, décontenancées. Ses tragédies et ses drames nous éclairent : nous souhaitons que le monde aille mieux, que la planète, bleue comme une orange, respire plus doucement, que toutes les minorités soient entendues et reconnues, nous qui vivons portées par les mots, les nôtres et ceux des autres. Et nous croyons que la littérature, l’écriture, les arts disent au monde que tout ne s’achève pas.
La revue est une porte ouverte sur l’invraisemblable. Elle tient entre les mains de personnes passionnées, et les vôtres de passions, comme les nôtres. Elle se développe avec des imaginaires qui ne se rétrécissent pas, qui toutefois s’investissent un peu plus tous les jours. Et nous ne redoutons pas les souffles étrangers venus du large. Nous les accueillons comme nous reconnaissons les artistes engagés dans leur pratique qui donnent à qui veut le recevoir. Ils sont là, simplement là, existants, dans leur œuvre, à traduire leur expérience intérieure qui surprend, certes, mais demande d’aller jusqu’au bout de la pensée et du langage, car la tension entre l’un et l’autre est aussi nécessaire que vitale.
Nous cherchons à faire se rencontrer la lecture et l’écriture, comme elles existent, dans la différence. Nous souhaitons que quelque chose advienne entre lire et écrire puisque qu’y a-t-il d’autre que ce jeu essentiel et insensé de l’écriture ?
– La revue